Chers amis,
Un conseil : mettez-vous en auto-hypnose, ou prenez une bonne dose d’euphorisant, au minimum une grande bouffée d’oxygène, avant de lire ce Point Hebdo. Nous étions au calme depuis un mois, c’est seulement parce qu’ils fourbissaient leurs armes. Les Ministres changent (la nôtre est maintenant Stéphanie Rist), les textes restent.
Première attaque : le PLFSS pour 2026 (Projet de Loi de Financement de la Sécurité sociale), proposé par le gouvernement aux députés. C’est du lourd comme vous l’explique Richard Talbot. Je vous mets ici les 7 principales mesures prévues, en ordre décroissant des plus inacceptables, bien que difficiles à classer. Les plus valeureux peuvent lire ma synthèse détaillée (mais limitée aux articles nous concernant).
1/ Art.18 : tenez-vous bien, les professionnels de santé seront chargés de la collecte des franchises pour les patients en tiers-payant, parce que la Caisse trouve qu’il est trop difficile de les récupérer. Nous devrons évidemment les reverser ensuite : entendez par là que la CPAM les retiendra sur nos paiements, que le patient ait payé ou pas. Pour les médecins, c’est 2 euros par consultation (probablement bientôt 4 euros), vous imaginez la somme de pièces reçues (à moins que vous acceptiez de payer en plus des frais bancaires de Carte Bleue dessus), et la compta inhérente à gérer !
2/ Art.21 : on a par le détail la rémunération des Dr Junior, qui n’a pas bougé d’une virgule depuis les deux mois de supposées négociations et malgré l’opposition unanime de tous les concernés, internes comme Maîtres de Stage. Mais que diable vient faire ici la rémunération des Dr Junior, qui relève pourtant de la fac ? Eh bien parce que l’article est intitulé « Renforcer l’accès aux soins ». Au moins c’est dit : les Dr Junior ne sont pas là pour se professionnaliser, mais pour fournir de la main d’œuvre à bon marché, si possible loin de chez eux et sans encadrement.
3/ Art.24 : inscrit la possibilité pour l’Assurance-maladie de baisser les tarifs des professions qu’elle jugera bénéficiant « d’une rentabilité supérieure aux autres secteurs ». Les radiologues en ont déjà fait les frais, les suivants seront les onco-radiothérapeutes à partir de janvier 2026, puis les biologistes, ana-path et néphrologues en 2027. Surtout ne vous dites pas « oh, ce sont les autres ». Vu que nous avons tous des revenus différents, il y aura toujours des spécialités à meilleure « rentabilité » (puisque c’est le terme consacré) que les autres, qui verront donc leurs tarifs baisser.
4/ Art.26 : dans le même ordre d’idée, le gouvernement pourra décider par simple décret de modifier les taux de cotisations sociales pour les médecins en Secteur 2 ou déconventionnés, qui sont déjà largement surtaxés. Euh …, au fait à quoi servent les négociations conventionnelles puisque au final, c’est le Ministre de la Santé, ou plutôt Bercy, qui décide de tout ?
5/ Art.31 : revient l’obligation d’alimenter le DMP (Dossier Médical partagé), qui existait déjà, mais aussi l’obligation de le consulter avant toute prescription onéreuse. Le seuil de « l’onéreux » n’est pas défini, on ne sait pas comment faire lorsqu’on sera à domicile sans connexion au DMP, ou quand le patient n’a pas de DMP ; en revanche le montant des amendes est déjà bien calculé : 2 500 euros par « manquement » (c’est ainsi qu’ils l’appellent), avec un maxi de 10 000 euros par an. Estimons-nous heureux, nous n’aurons que 10 000 euros à payer chaque année si on veut soigner les patients avec les données actuelles de la science sans passer la moitié de la consultation à prouver qu’on a cherché des infos qu’on sait introuvables sur le DMP.
6/ Art.19 : sous couvert de la mise en place d’un « Parcours de soins préventifs » pour éviter les complications de certaines pathologies, il est prévu de sortir de l’ALD le diabète non compliqué, à l’instar de ce qui s’est passé avec l’HTA. Exit dans le même temps le forfait Médecin Traitant bonifié par l’ALD pour tous ces patients…
7/ Art.21 (suite) : les Centres de Soins Non programmés (Centres SNP) devront répondre à un cahier des charges, moyennant quoi ils recevront, en plus de leurs actes majorés SNP ou régulés en garde, un forfait de fonctionnement. Tandis que ces idiots de médecins, qui s’évertuent à assurer ces soins non programmés à leur cabinet, dans le cadre d’une prise en charge globale de leurs patients ou en dépannage pour d’autres, continueront à ne rien recevoir.
La note nous paraît déjà bien salée, mais comme le gouvernement n’est pas petit joueur, il en ajoute une couche avec un projet de Loi de « Lutte contre la Fraude », proposé cette fois au Sénat. Globalement, le texte paraît logique, avec autorisation de transmissions de données en cas de fraude, de plaintes communes, de contrôle des sociétés commerciales de formation professionnelle, etc. Mais au milieu se glisse l’article 17, qui stipule que les médecins ciblés pour « excès » de prescriptions ne se verront plus « proposer » mais maintenant « demander » une Mise Sous Objectifs (MSO) qu’ils n’auront pas le droit de refuser. Vous voyez que « demander » est un euphémisme, en réalité la Caisse va exiger la MSO. Et vous remarquez surtout le glissement : hier, vous sortiez des statistiques, aujourd’hui, vous devenez un délinquant relevant de la Fraude.
C’est pourquoi il faut continuer l’action de mise en auto-MSAP pour les arrêts de travail (voir Tutoriel). Pour soutenir les confrères sanctionnés, mais aussi pour souligner qu’avec ce raisonnement, tous les médecins deviennent un jour des délinquants aux yeux de la Caisse.
Je termine avec 2 infos pratiques :
- Les médecins bénéficiant du COSCOM (je n’explique pas, les concernés comprennent de quoi je parle) n’auront aucune démarche à faire pour poursuivre ce dispositif, car le contrat est à tacite reconduction. À l’inverse, si vous calculez que recevoir +10% sur le Forfait Médecin-Traitant est plus intéressant (si grosse patientèle ++), il faut le signaler à la Caisse pour que le 10% se substitue à la prime annuelle. Maintenant, si vous êtes du genre ceinture et bretelles, et que vous vous méfiez des entourloupes de la Caisse, je vous conseille d’adresser de toute façon un courrier recommandé à votre CPAM pour lui signifier votre choix.
- Pour les médecins qui anticipent une baisse importante de leurs revenus pour 2025, notamment ceux qui sont partis en retraite cette année, la CARMF rappelle qu’il faut déclarer ses revenus prévisionnels avant le 30 novembre, de façon à modifier dès le début 2026 les acomptes à verser. Il faudra évidemment compléter avec les chiffres exacts au moment de la déclaration 2025 en avril 2026.
Ah non, je n’ai pas terminé, il faut que je vous partage une info importante : le Conseil Supérieur de l’Éducation Nationale a beaucoup planché sur une nouvelle dénomination des vacances de la Toussaint et de Noël, car ce sont des titres religieux. Certes, mais n’y a-t-il pas des sujets plus prioritaires à ce jour, y compris au sein de l’Éducation Nationale ? Parfois, on a l’impression de vivre dans un monde parallèle.
Oserais-je vous souhaiter une bonne semaine ? Oui, je le fais. Sachez que vous n’êtes pas seuls à trouver insupportables, inadmissibles, martiennes ou lunaires, toutes ces injonctions venues d’en haut, sans cohérence ni objectif général affiché. Vos syndicats se sont réunis ce soir dimanche pour réagir sur la même longueur d’onde. Nous avons le soutien de l’Ordre des Médecins, qui a beaucoup à dire aussi sur les plans déontologique et règlementaire.