Point-hebdo FMF du 02-07-2022

Chers amis,

L’actualité essentielle de la semaine est la parution du « rapport Braun » sur la gestion des urgences hospitalières, assorti de solutions très concrètes, que la 1ère Ministre a déjà annoncé accepter dans leur totalité.

En fait, il s’appelle « rapport Braun », du nom du patron de SAMU-France, mais il a été co-écrit avec un médecin généraliste (Dr Delphine Tortiget) et le président de la fédération des URPS Dr Antoine Leveneur, car enfin le gouvernement admet que la gestion des urgences doit être globale, impliquant les hôpitaux, les établissements privés, et les médecins libéraux. Ce qui explique que nous y trouvions des mesures de bon sens, même si beaucoup doivent être adaptées pour nous convenir. Je ne vous parlerai d’ailleurs que de celles qui concernent les médecins libéraux.

Les premières mesures sont d’ordre général, destinées à être mises en place dans les mois à venir. Il s’agit essentiellement d’étendre le fameux Service d’Accès aux Soins (SAS) et de promouvoir les consultations sans RDV en ville. Pour la FMF, qui n’a pas signé l’horrible avenant 9 sur le SAS, il n’est pas question d’appliquer le dispositif tel qu’inscrit dans cet avenant qui obligerait tout médecin généraliste à mettre à disposition du Centre 15 des plages de RDV de 2 heures hebdomadaires que le régulateur remplirait selon les appels. En revanche, la FMF participe activement à mettre en place des organisations locales avec l’assentiment des médecins concernés, qui ont alors beaucoup plus de chances de fonctionner, puisque le rapport le souligne, le principal souci vient du trop peu d’effecteurs volontaires sur le terrain, la France étant devenue un grand désert médical. Ainsi pas de consultations libre accès, ni de consultations forcées, le médecin reste libre de son emploi du temps.

Il y est aussi question de pouvoir faire admettre les patients âgés directement en gériatrie après accord avec le médecin gériatre, et de monter les équipes mobiles de gériatrie prêtes à se déplacer aux domiciles des patients en appui du médecin traitant. Il est dommage de ne pas faire appels aux trop rares gériatres libéraux, qui ont une réelle expertise, mais qui ne peuvent évidemment pas expertiser une situation complexe aux tarifs de la visite à domicile. Mais tout est perfectible, ce sera une prochaine étape. Rien n’est dit non plus sur le forfait « passage aux urgences » que perdraient alors les hôpitaux.

Les autres mesures, les principales car c’était l’objectif de cette « Mission flash », concernent la gestion des urgences cet été, c’est-à-dire dès aujourd’hui puisque nous sommes déjà en juillet. Et c’est là que réside le problème, car la plupart nécessitent des décrets et des aménagements incompatibles avec le rythme de l’administration française. Mais pas grave, même si elles ne sont mises en place qu’en septembre, ce sera une belle avancée. J’ai distingué 3 groupes selon le degré de faisabilité, et toujours concernant la médecine libérale.

Les mesures immédiatement applicables. En fait il n’y en a que deux, qui nécessitent quand-même un décret. Ce sont les mesures :

  • M8 : autoriser l’activité simultanée du médecin remplacé et du remplaçant, comme pendant la période Covid.
  • M13 : prolongation de la prise en charge en 100% Assurance-Maladie pour les téléconsultations.

Ensuite les mesures qui dépendent de parutions légales facilement applicables selon la bonne volonté du gouvernement.

  • M1 : campagne de publicité grand public sur le bon usage des urgences.
  • M4 : octroyer aux régulateurs libéraux le statut de collaborateur du Service Public, sécurisant pour cette activité à haut risque.
  • M10 : majoration de 15 euros pour les consultations de tout patient adressé par le 15 (actuellement la MRT ne s’applique qu’à nos patients (dont on est le médecin traitant), ce qui a peu de sens).
  • M14 : prise en charge par la Caisse du transport des patients au cabinet pour les urgences régulées par le 15.

Et les mesures qui ne pourront probablement pas être visibles cet été car nécessitant des aménagements conséquents des pratiques.

  • M6 : augmenter le nombre de régulateurs libéraux par une rémunération attractive : 100 euros/H, défiscalisées. Bonne idée, mais qui impose l’aval de Bercy, et surtout le recrutement et la formation à la régulation. Difficile de faire ça en quelques jours.
  • M11 : établir le samedi matin un système intermédiaire entre le régime habituel et celui de la garde. Le médecin volontaire pourrait faire une garde en Maison Médicale de Garde, mais aussi rester à son cabinet pour y effectuer ses consultations courantes du samedi matin, selon l’organisation décidée sur son secteur. Les consultations de patients adressés par le régulateur seraient facturées G2=50 euros. Intéressant, mais il faut revoir l’organisation locale.
  • M25 : impliquer les spécialistes en établissements dans les soins non programmés. Soit en les faisant venir en appui à l’hôpital, soit en favorisant l’accueil des patients dans les établissements privés. On sourit en lisant cette mesure, quand on se souvient que les cliniques ont été soigneusement évincées de la Permanence Des Soins (PDS) il y a quelques années, sous l’argument que cet accueil coûtait trop cher. Vraiment plus cher que les médecins « mercenaires » qui assurent maintenant la plupart des gardes à l’hôpital ?
  • M37 : mettre en place un accès téléphonique direct aux spécialistes hospitaliers pour les médecins libéraux, et permettre l’hospitalisation directe dans le service (cf mesures d’ordre général au début de ce Point Hebdo). Quiconque aura essayé, en général vainement, de joindre un médecin hospitalier pour un problème un peu urgent applaudira des 2 mains. Je mets toutefois un bémol à ce que je viens d’écrire : j’ai pu avoir cette semaine très facilement un avis téléphonique d’un gériatre de l’hôpital de mon secteur sur une situation complexe. Qu’il en soit remercié s’il me lit. En tout cas, cela nécessite une réorganisation médicale à l’hôpital.

Enfin des mesures qui ne font pas forcément consensus chez les médecins libéraux :

  • M9 : dispenser de cotisations sociales URSSAF et CARMF les médecins retraités pour les inciter à revenir travailler en tant que régulateur. D’une part il est souhaitable que les régulateurs soient installés dans le secteur pour bien connaître l’organisation locale. Et surtout ces cotisations ne doivent pas être reportées sur les actifs qui n’en peuvent déjà plus.
  • M17 : déléguer aux infirmiers, kinés et pharmaciens les urgences simples. Mais ce sont nos 10 années d’études qui nous font conclure qu’il s’agit d’une urgence simple. Difficile à affirmer au simple énoncé du motif de consultation. Ou alors il faut élaborer des protocoles très précis, et dans ce cas on a aussi vite fait de voir le patient directement. Enfin, si le médecin se recentre sur les actes complexes, il faut prévoir autre chose que 25 euros la consultation.
  • M30 : favoriser l’accueil des médecins libéraux à l’hôpital. Franchement quel intérêt puisque tout le rapport exprime la nécessité d’une bonne prise en charge en ville pour les 30% de patients qui n’ont rien à faire à l’hôpital, et qu’il est écrit en préambule que le principal souci est la démographie médicale. Pourquoi déshabiller un peu plus Paul pour habiller Pierre ?

Voilà, ce Point Hebdo est bien dense avec le seul sujet de la Mission Flash. Je terminerai juste en disant que les anciens formulaires papier d’arrêts de travail sont valables jusqu’au 30 septembre. Y voyez-vous un rapport avec le fait que les CPAM sont dans l’incapacité d’en fournir suffisamment à ce jour ?

Je vous souhaite une bonne semaine.