Point-hebdo FMF du 23-11-2025

Chers amis,

Alors, où en est-on de toutes les propositions gouvernementales doublées des amendements venant de toutes parts concernant les médecins libéraux ? Un petit résumé s’impose.

Le Projet de Loi de Financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 a été voté par l’Assemblée Nationale et se trouve donc entre les mains de sénateurs. On note avec satisfaction que l’article 18 sur l’obligation de recueillir nous-mêmes les franchises pour le compte de l’Assurance-Maladie, et l’article 26 sur la super-taxation des cotisations des médecins S2, ont été retirés. On peut légitimement penser que le Sénat ne les réintroduira pas. Que reste-t-il comme épines irritatives ?

D’abord l’obligation de consulter le Dossier Médical Partagé (article 31), dont on connait l’ergonomie, lorsqu’on prescrit un examen « onéreux » (le seuil n’est pas défini). Mesure stupide alors que 2/3 des médecins, quelle que soit leur spécialité, déclarent ne jamais ou rarement consulter le DMP faute d’intérêt et d’accès facile, selon l’enquête de la FMF. Et qu’à l’heure de l’Intelligence Artificielle il serait tellement plus rapide d’apparier prescription d’examen et contenu du DMP pour nous informer d’une éventuelle date de réalisation antérieure. La FMF rappelle que lorsqu’un outil est utile, il n’y a pas besoin de la menace d’une amende de 10 000 euros pour qu’il entre dans nos pratiques.

Ensuite l’insupportable article 24 qui donne le droit au Directeur de l’Assurance-Maladie de décider lui-même des tarifs des médecins en cas d’absence d’accord conventionnel. Pourra-t-on encore parler de négociations conventionnelles, lorsqu’une des parties (la CNAM) sait qu’elle aura de toute façon le dernier mot ?

Figure également la mise en place de la 4ᵉ année de formation en Médecine Générale dite « Dr Junior », insérée dans l’article 21 « Accès aux soins ». Il a quand même été acté que les internes seraient payés sous forme de salaires, et non par la part Assurance Maladie Complémentaire (AMC) de leurs actes ce qui était techniquement irréalisable. En revanche, le principe de limiter l’indemnisation des Maitres de Stage (MSU) à 1200 euros, en contrepartie de la mise à disposition d’un cabinet tout équipé, semble petit à petit accepté des médecins qui nous représentent aux réunions ministérielles, puisque les discussions semblent porter uniquement sur « comment assurer ces 1200 euros quelle que soit la patientèle ? » La FMF a décidé de se retirer de ces négociations tant qu’un montant convenable ne sera pas proposé aux MSU qui n’ont pas à payer de leur poche la formation des internes.

On retrouve aussi l’article 43 sur le cumul emploi-retraite, incompréhensible. Alors que tout le monde supplie les médecins retraités de continuer à exercer, cet article stipule que pour les médecins ayant liquidé leur retraite avant l’âge de 67 ans, les revenus de leur activité seront défalqués du montant de leur retraite. Autrement dit, ils travailleront bénévolement jusqu’à hauteur de leur retraite ! Mais comment le gouvernement peut-il penser, car c’est une initiative ministérielle, que les médecins auront la fibre sociale à ce point ? Et à quelle profession a-t-on déjà osé exiger de travailler sans rémunération ?

Mais le point culminant de l’absurdité de ce PLFSS réside dans l’amendement N°2568 apporté par le gouvernement pour instaurer le « label France Santé ». De quoi s’agit-il exactement ? Eh bien on ne sait pas très bien, si ce n’est que l’objectif est que chaque patient ait une réponse de soins dans les 48H et à moins de 30 min de chez lui. D’après l’amendement, la réponse serait surtout un pharmacien qui pourra « prendre en charge des situations cliniques » sinon orienter vers un médecin, éventuellement sous forme de téléconsultation. C’est vrai que ça, ce n’est pas très compliqué, les pharmaciens sont déjà quasiment tous en lien avec une société très commerciale de cabines de téléconsultations. La Ministre Mme Rist nous a convoqués à une réunion d’échanges, pour nous expliquer que les Maisons de Santé Pluriprofessionnelles (MSP) et les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS) n’auraient rien à faire de plus que de demander le fameux label pour recevoir 50 000 euros. Mouais… Je sais que c’est bientôt Noël, mais on a du mal à croire à cette générosité subite. D’autant qu’il faut quand même nous expliquer comment le gouvernement a réussi à trouver miraculeusement 130 millions d’euros pour ce dispositif qui donc n’est pas censé apporter autre chose que ce qui se fait actuellement, alors qu’il y a 2 semaines on a retiré aux radiologues, médecins vasculaires et cardiologues 300 millions soi-disant parce que l’Assurance-Maladie était proche de la banqueroute. Et comme il faut aller très vite, les ARS sollicitent déjà les MSP et CPTS pour leur faire signer les contrats. « Mais on s’engage à quoi ? » -« On ne peut pas vous dire encore, mais signez quand même ». Ah bon…

De l’autre côté parlementaire, les sénateurs ont voté la Loi anti-fraudes, qui instaure la Mise Sous Objectif (MSO) obligatoire au bon vouloir des directeurs de CPAM et sur n’importe quel sujet : aujourd’hui les arrêts de travail, demain les transports, plus tard telle ou telle prescription de médicaments ou d’examens. Pourtant, ces MSO ne servent manifestement à rien puisque le nombre d’Indemnités Journalières augmente chaque année comme le montre la Cellule Juridique de la FMF. Mais pas grave, on poursuit (les médecins et les actions). Un peu comme le type qui cherche ses clefs sous le réverbère alors qu’il les a perdues tout autre part, mais « au moins ici, il y a de la lumière ». On pourrait surtaxer les entreprises toxiques, faciles à repérer, obliger les employeurs à accepter le télétravail lorsque c’est techniquement possible et que le patient ne peut pas se déplacer. Mais non, il est plus facile de taper sur un pauvre médecin isolé qui fait de son mieux, la tête dans le guidon, pour accompagner les patients fragiles et précaires. Car nos statistiques le montrent aussi, ce sont les médecins exerçant dans les endroits socialement défavorisés qui sont le plus poursuivis.

Alors devant toutes ces incohérences, ces décisions venues d’en haut sans aucune concertation, et cet avenir dictatorial qu’on nous promet, vos syndicats ont décidé de s’unir, entre eux et avec les Collectifs Comeli et MPD, pour proposer des actions communes. Nous allons les finaliser cette semaine et vous les proposer. Fourbissons les armes, l’hiver sera plus chaud que prévu dès la rentrée de janvier ! Voire avant pour certains, car un mouvement de fronde s’organise pour le 3 décembre dans le Sud-est par exemple. Les mots ne suffisent pas, les communiqués et les réseaux sociaux ne peuvent pas servir qu’à se plaindre, il faut maintenant agir ! Car les médecins libéraux n’ont pas déshonoré, ils tiennent à bout de bras des populations désemparées, perdues. Il faut que tout le monde en prenne conscience. Sinon les français n’auront bientôt plus que leurs yeux pour pleurer la disparition des seuls lieux où ils savent qu’ils seront écoutés, sans jugement, soignés, accompagnés tout au long de leur vie : nos cabinets médicaux.

Je vous souhaite une bonne semaine. Et continuons d’exercer dans la dignité !