Médecine libérale : l’Eure et l’Eure-et-Loir au bord du gouffre – lettre ouverte aux élus et aux citoyens

Dans l’Eure et dans l’Eure-et-Loir, la situation médicale n’est plus critique : elle est historique.

La médecine de proximité, celle qui soigne chaque jour les habitants de nos campagnes, petites villes et périphéries urbaines, s’effondre.

Et le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) 2026 risque d’y porter le coup de grâce.

Nous, médecins libéraux, avons toujours soigné sans compter : 25 à 40 patients par jour, des nuits d’astreinte, des visites, des fins de consultations à 22h, des urgences improvisées parce que personne d’autre n’était là.

Nous avons accepté de faire face à la pénurie, à la violence, à la surcharge, aux injonctions contradictoires et au manque de moyens.

Mais aujourd’hui, c’est l’État lui-même qui sabote la médecine libérale

 

… Un territoire déjà à genoux

Dans l’Eure, plus de 60 000 habitants n’ont plus de médecin traitant.

Dans l’Eure-et-Loir, ce sont près de 70 000 personnes sans suivi.

De nombreuses communes n’ont plus aucun médecin. D’autres vont perdre le dernier qui leur restait.

Les chiffres sont éloquents :

  • 1 médecin sur 4 a plus de 60 ans : les départs massifs approchent.
  • Beaucoup de cabinets ne trouvent aucun remplaçant.
  • Les urgences sont saturées faute de médecine de ville.
  • Des patients parcourent des dizaines de kilomètres pour une simple consultation.

Et malgré cela, la médecine libérale continue d’absorber l’essentiel des soins : 2 millions de consultations par jour en France, soit autant que les hôpitaux… en un an.

Le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) 2026  est une maltraitance institutionnelle

Au lieu d’aider, le PLFSS 2026 ajoute des sanctions, des contraintes, du soupçon et de la défiance :

  • baisse autoritaire des tarifs, notamment en radiologie ;
  • impossibilité de refuser la mise sous “objectif”, avec tutelle des CPAM ;
  • transformation des médecins en collecteurs de franchises ;
  • menaces sur les secteurs II et III, alors que certaines spécialités exercent à perte au tarif opposable ;
  • limitation des arrêts de travail, comme si la maladie dépendait d’un quota administratif ;
  • création d’un délit de non-alimentation du Dossier Médical Partagé (DMP)… alors que le DMP est incomplet, lent, instable ;
  • réduction du cumul emploi-retraite, alors que les médecins seniors sont ceux qui maintiennent encore des cabinets ouverts.

Ces mesures ne renforceront pas l’accès aux soins.

Elles feront l’inverse : elles feront fuir.Ce qui va se passer si rien ne change :

  • Les médecins proches de la retraite partiront plus tôt.
  • Les jeunes éviteront l’installation en libéral.
  • Chaque départ ne sera pas remplacé.
  • De nouvelles communes se retrouveront sans médecin.
  • Les délais exploseront.
  • Les urgences deviendront la seule médecine accessible.
  • Des vies seront perdues, il y aura des MORTS faute de soins à temps.

Et ensuite, on dira : « Les médecins ont abandonné. »

La vérité est qu’on nous pousse dehors.

Ce que nous demandons :

Nous ne demandons pas de privilèges.

Nous demandons le droit d’exercer notre métier : soigner.

  • du temps médical, pas du temps administratif ;
  • des outils fonctionnels, pas des sanctions ;
  • de la confiance, pas du soupçon permanent ;
  • des conditions permettant aux jeunes de s’installer ;
  • le retrait des mesures destructrices du PLFSS 2026.

Un appel aux députés et sénateurs de nos territoires

Nous appelons solennellement nos élus à prendre la défense de leurs concitoyens, de leurs villages, de leurs petites villes, de leurs patients.

Ce n’est pas une revendication corporatiste.
C’est un cri d’alerte.

Car lorsque la médecine libérale s’éteindra, ce sont les habitants de l’Eure et de l’Eure-et-Loir qui n’auront plus de soin.

Les médecins sont prêts à rencontrer les élus, à expliquer, à montrer la réalité du terrain.

Mais il est temps d’agir, avant qu’il ne soit trop tard.

Si personne ne fait barrage aux mesures du PLFSS 2026, alors nous en porterons tous la responsabilité : élus, institutions, et société.

La médecine de proximité est en train de mourir.
La sauver n’est plus un débat partisan.
C’est une urgence de santé publique.

Un médecin du sud de l’Eure désespérée

Dr N. VERNEUIL