Comment l’État instrumentalise le déficit de la Sécurité sociale pour affaiblir la médecine libérale

Depuis plusieurs années, le discours gouvernemental sur le « déficit chronique » de la Sécurité sociale sert de prétexte à une offensive politique contre la médecine libérale. Sous couvert de « maîtrise des dépenses » et de « responsabilité budgétaire », l’État impose une logique purement comptable au soin, alignant la santé publique sur les critères de rentabilité industrielle. La santé n’est plus perçue comme un pilier social, mais comme un centre de coûts à rationaliser.

Historiquement, la Sécurité sociale reposait sur un pacte clair : les cotisations sociales, issues du travail (employeurs et salariés), garantissaient une solidarité nationale fondée sur la contribution et le partage. Mais depuis les années 2000, sous la pression des gouvernements successifs — de droite comme de gauche, et aujourd’hui sous l’ère macroniste — l’État a méthodiquement réduit la part des cotisations patronales. Sous prétexte de « libérer l’économie », il a transféré le financement vers la CSG et l’impôt, c’est-à-dire vers les ménages. Ce glissement fiscalisé, applaudi par une partie du Parlement tout acquis à la doctrine du « coût du travail », a déséquilibré le modèle fondateur.

Résultat : la Sécurité sociale est sommée de devenir une entreprise rentable. Ses déficits, pourtant largement creusés par les exonérations de cotisations décidées par les pouvoirs publics eux-mêmes, servent aujourd’hui d’alibi pour restreindre les dépenses de soins. Au lieu de réclamer aux grands groupes et aux ministères une participation équitable, l’État impose l’austérité médicale : plafonnement des actes, tarification dégradée, fermetures de lits, d’hôpitaux et de maternités de proximité.

Le système de santé, qui n’a jamais été un secteur lucratif mais un moteur invisible de la cohésion nationale et du développement économique, est désormais traité comme un poste budgétaire à couper. On affaiblit les soignants, on épuise les libéraux, on bureaucratise les hôpitaux : c’est une triple asphyxie organisée.

Pendant ce temps, les mutuelles et complémentaires santé, puissants relais d’influence au Parlement, poursuivent leur lobbying pour ne pas accroître leur contribution. Elles prétendent défendre le pouvoir d’achat tout en augmentant les primes et en réduisant les remboursements réels. Leur stratégie est limpide : laisser l’État réduire la part publique pour s’imposer comme intermédiaires incontournables du soin — et transformer la santé en marché.

Ainsi, la médecine libérale est méthodiquement affaiblie : bridée par la tutelle économique de la CNAM, disqualifiée par un discours politique qui la caricature en coût, et concurrencée par des structures administrées ou privées. Le projet est clair : transformer la Sécurité sociale, née d’un idéal de solidarité, en une entreprise d’équilibre budgétaire et de contrôle social.

Ce n’est pas un hasard ni une fatalité financière, mais un choix politique assumé : celui d’un État qui, avec la complicité silencieuse d’une majorité parlementaire acquise aux logiques néolibérales, préfère acheter et vendre la santé plutôt que de la servir.

Dr Bassam Al Nasser

Secrétaire Général de la FMF
2 novembre 2025
bassam.alnasser@yahoo.com