Réflexions autour de l’art 4124-2 du Code de la santé publique

la « protection » ordinale du médecin dans le cadre de l’exercice publique

Exemple à l’appui de mon analyse :

Un médecin dans le cadre d’un acte pratiqué au cours de sa « fonction publique  » (activité hospitalière par exemple) fait l’objet d’une plainte devant le Conseil Départemental de l’Ordre des Médecins (CDOM) au tableau duquel il est inscrit. Cette situation est « réglementée » » par l’art L4124-2 du Code de la Santé Publique (CSP), mais la façon de l’appliquer n’est pas suffisamment encadrée par la loi laissant aux CDOM une interprétation aboutissant à des attitudes différentes en France  :

  • Simple courrier au plaignant lui rappelant qu’il n’est pas en mesure de poursuivre un médecin dans le cadre de son service public selon l’art 4124-2 du CSP, que se plainte sera débattue en conseil pour pointer une éventuelle faute déontologique « détachable du service  » mais qu’il peut contacter l’une des autres autorités autorisées à le poursuivre : le ministre chargé de la santé, le représentant de l’État dans le département (Préfet), le directeur général de l’agence régionale de santé (ARS), le procureur de la République, le conseil départemental et le conseil national de l’Ordre des médecins.
  • Organisation d’une conciliation entre les parties, suivie d’un débat au niveau du conseil départemental pour rechercher une éventuelle faute déontologique « détachable du service  » et dans la négative, courrier au plaignant pour lui indiquer qu’il peut contacter l’une des autorités autorisées à poursuivre le médecin dans le cadre d’une activité de service public : le ministre chargé de la santé, le représentant de l’État dans le département, le directeur général de l’agence régionale de santé, le procureur de la République, le conseil départemental et conseil national de l’Ordre des Médecins.
  • Conciliation, débat en conseil et transmission de la plainte au greffe de la Chambre Disciplinaire de Première Instance (CDPI) qui signale au plaignant qu’il ne peut légalement poursuivre le médecin devant la CDPI du fait de son exercice public et qu’il peut saisir les autorités qui y sont autorisées.

Selon moi cette 3è option est la seule attitude conforme à l’esprit de la loi. En effet, l’échelon disciplinaire est bien le Conseil Régional de l’Ordre des Médecns (CROM), le CDOM n’ayant pas de « fontion ou pouvoir » juridique et son rôle se limitant à organiser une conciliation conformément aux articles 4123-2, 4123-19 et 20 du Code de la Santé Publique.

Les options 1 et 2 pourraient justifier une action devant le TA en « abus de pouvoir » et je pense que le juge administratif ne pourrait que suivre cette interprétation de l’article 4124-2 évoquée ci-dessus.

Quant à la saisine directe de la CDPI, elle est très bien réglementée par l’article 4126-1 du CSP, mais attention si la plaine est déposée par une personne morale (une association ou un syndicat, elle doit être accompagnée sous peine d’irrecevabilité, « de la délibération de l’organe statutairement compétent pour autoriser la poursuite ou, pour le conseil départemental ou national, de la délibération signée par le président et comportant l’avis motivé du conseil. » 

Je place ci-dessous le détail des divers textes cités dans cet article.

Dr Marcel GARRIGOU-GRANDCHAMP, Lyon 3è, CELLULE JURIDIQUE FMF

Article L4123-2 du CSP (Modifié par l’Ordonnance n°2017-192 du 16 février 2017 – art. 3 )

Il est constitué auprès de chaque conseil départemental une commission de conciliation composée d’au moins trois de ses membres. La conciliation peut être réalisée par un ou plusieurs des membres de cette commission, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État.

Lorsqu’une plainte est portée devant le conseil départemental, son président en accuse réception à l’auteur, en informe le médecin, le chirurgien-dentiste ou la sage-femme mis en cause et les convoque dans un délai d’un mois à compter de la date d’enregistrement de la plainte en vue d’une conciliation.

Article R4123-19 du CSP (Créé par Décret n°2007-552 du 13 avril 2007 – art. 3 JORF 14 avril 2007)

Dès réception d’une plainte, le président du conseil départemental désigne parmi les membres de la commission un ou plusieurs conciliateurs et en informe les parties dans la convocation qui leur est adressée dans le délai d’un mois, conformément à l’article L. 4123-2.

Les membres de la commission de conciliation mis en cause directement ou indirectement par une plainte ne peuvent ni être désignés en tant que conciliateurs pour cette plainte ni prendre part au vote lors de l’examen de la plainte par le conseil départemental en vue de sa transmission à la juridiction disciplinaire.

Article R4123-20 du CSP (Créé par Décret n°2007-552 du 13 avril 2007 – art. 3 JORF 14 avril 2007)

Les parties au litige sont convoquées à une réunion et entendues par le ou les membres de la commission pour rechercher une conciliation.

Un procès-verbal de conciliation totale ou partielle ou un procès-verbal de non-conciliation est établi. Ce document fait apparaître les points de désaccord qui subsistent lorsque la conciliation n’est que partielle. Il est signé par les parties ou leurs représentants et par le ou les conciliateurs.

Un exemplaire original du procès-verbal est remis ou adressé à chacune des parties et transmis au président du conseil départemental.

En cas de non-conciliation ou de conciliation partielle, le procès-verbal est joint à la plainte transmise à la juridiction disciplinaire.

Article L4124-2 du CSP (Modifié par la LOI n°2009-879 du 21 juillet 2009 – art. 62 (V) et par l’Ordonnance n°2010-177 du 23 février 2010 – art. 14

Les médecins, les chirurgiens-dentistes ou les sages-femmes chargés d’un service public et inscrits au tableau de l’ordre ne peuvent être traduits devant la chambre disciplinaire de première instance, à l’occasion des actes de leur fonction publique, que par le ministre chargé de la santé, le représentant de l’Etat dans le département, le directeur général de l’agence régionale de santé, le procureur de la République, le conseil national ou le conseil départemental au tableau duquel le praticien est inscrit.

Lorsque les praticiens mentionnés à l’alinéa précédent exercent une fonction de contrôle prévue par la loi ou le règlement, ils ne peuvent être traduits devant la chambre disciplinaire de première instance, à l’occasion des actes commis dans l’exercice de cette fonction, que par le ministre chargé de la santé, le représentant de l’Etat dans le département, le directeur général de l’agence régionale de santé ou le procureur de la République.

Article R4126-1 du CSP (Modifié par Décret n°2010-344 du 31 mars 2010 – art. 116)

L’action disciplinaire contre un médecin, un chirurgien-dentiste ou une sage-femme ne peut être introduite devant la chambre disciplinaire de première instance que par l’une des personnes ou autorités suivantes :

1° Le conseil national ou le conseil départemental de l’ordre au tableau duquel le praticien poursuivi est inscrit à la date de la saisine de la juridiction, agissant de leur propre initiative ou à la suite de plaintes, formées notamment par les patients, les organismes locaux d’assurance maladie obligatoires, les médecins-conseils chefs ou responsables du service du contrôle médical placé auprès d’une caisse ou d’un organisme de sécurité sociale, les associations de défense des droits des patients, des usagers du système de santé ou des personnes en situation de précarité, qu’ils transmettent, le cas échéant en s’y associant, dans le cadre de la procédure prévue à l’article L. 4123-2 ;

2° Le ministre chargé de la santé, le préfet de département dans le ressort duquel le praticien intéressé est inscrit au tableau, le directeur général de l’agence régionale de santé dans le ressort de laquelle le praticien intéressé est inscrit au tableau, le procureur de la République du tribunal de grande instance dans le ressort duquel le praticien est inscrit au tableau ;

3° Un syndicat ou une association de praticiens.

Les plaintes sont signées par leur auteur et, dans le cas d’une personne morale, par une personne justifiant de sa qualité pour agir. Dans ce dernier cas, la plainte est accompagnée, à peine d’irrecevabilité, de la délibération de l’organe statutairement compétent pour autoriser la poursuite ou, pour le conseil départemental ou national, de la délibération signée par le président et comportant l’avis motivé du conseil.

Lorsque la plainte est dirigée contre un étudiant non inscrit au tableau à la date de la saisine, le conseil départemental ayant qualité pour saisir la chambre disciplinaire est le conseil au tableau auquel est inscrit le praticien auprès duquel a été effectué le remplacement ou l’assistanat.

Les plaintes sont déposées ou adressées au greffe.