Affaire MEDIATOR, les médecins prescripteurs «boucs émissaires» des responsables politiques

Comment interpréter autrement l’annonce de la pénalisation des médecins qui auraient prescrit du BENFLUOREX (MEDIATOR®) hors AMM (1) en les faisant participer au fond d’indemnisation !

 

La prescription médicale faites dans le cadre de l’AMM ou hors de son champ engage de la même manière le médecin sur le plan juridique civil ou pénal, la seule différence est administrative, il est tenu de porter sur ses ordonnances la mention NR (2) pour ne pas autoriser le remboursement par les organismes sociaux des médicaments prescrits hors AMM.

La prescription médicale est encadrée par un certain nombre d’articles du Code de Déontologie Médicale repris dans le Code de la Santé Publique, du Code de la sécurité sociale et de textes législatifs comme la Loi 2002-303 du 4 mars 2002.

Ces textes (reproduits en bas d’article) rappellent :

La liberté de prescription du médecin, comme principe fondamental dans l’intérêt des assurés sociaux

L’obligation pour le médecin 

– de limiter ses prescriptions à ce qui est nécessaire à la qualité, à la sécurité et à l’efficacité des soins

– d’assurer des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science en évitant de prescrire des traitements insuffisamment éprouvés ou de faire courir un risque injustifié au patient …

D’informer ses patients sur les risques fréquents graves et prévisibles des traitements prescrits.

Il s’agit donc pour le médecin d’apprécier le rapport bénéfice/risque du traitement prescrit, encore faut-il que celui-ci bénéficie des informations nécessaires à cette évaluation et dans le cas du BENFLUOREX ni le laboratoire, ni la pharmacovigilance française n’ont signalé aux prescripteurs les effets secondaires aujourd’hui dénoncés : à titre d’exemple, la « bible » des prescripteurs, le dictionnaire VIDAL qui reprend les recommandations de l’AFSSAPS (3) n’a mentionné à aucune de ses publications les effets secondaires cardio-vasculaires aujourd’hui dénoncés, que ce soit lors de la première AMM en 1974 ou lors de ses révisions en 87, le 29/01/2009 ou même lors du retrait le 25 novembre 2009 (voir PJ)

Attribuer une responsabilité, même partielle aux prescripteurs, chercher à les scinder en « bons » ou « suspects » selon leurs prescriptions « hors » ou « dans » l’AMM me parait une forfaiture sur les plans juridique et politique.

Aussi, j’ai l’intention de conseiller au plan personnel et syndical, les médecins de poursuivre devant la justice de notre pays les responsables de la pharmaco-vigilance française qui n’ont pas mis à leur disposition les outils nécessaires à leurs pratiques avec un minimum de sécurité pour leurs patients.

Je ne détaillerai pas ici les causes de la faillite totale du système de pharmaco-vigilance français, mise au jour avec l’affaire du MEDIATOR, mais il suffit d’analyser le rapport EVEN ou les entretiens de la commission parlementaire sur le sujet qui a auditionné un certain nombre de confrères, dont quelques uns adhérents comme moi de l’association FORMINDEP : ne conviendrait-il pas dans un premier temps de faire respecter la Loi en exigeant le respect de la publication des confits d’intérêt des experts en matière de santé ?

Combien faudra-t-il encore « d’affaires » de ce type pour que soit complètement repensée la pharmacovigilance de notre pays ? 

Dr Marcel Garrigou-Grandchamp, Lyon , élu URPS Rhône-Alpes, cellule juridique de la FMF, membre du FORMINDEP 

(sans lien commercial avec une quelconque industrie en matière de santé)

(1) : AMM : autorisation de mise sur le marché 

(2) : NR : Non remboursable

(3) : AFSSAPS : Agence française de Sécurité SAnitaire pour les Produits de Santé 

L’article L162-2 du Code de la Sécurité Sociale : «  Dans l’intérêt des assurés sociaux et de la santé publique, le respect de la liberté d’exercice et de l’indépendance professionnelle et morale des médecins est assuré conformément aux principes déontologiques fondamentaux que sont le libre choix du médecin par le malade, la liberté de prescription du médecin, le secret professionnel, le paiement direct des honoraires par le malade, la liberté d’installation du médecin, sauf dispositions contraires en vigueur à la date de promulgation de la loi n° 71-525 du 3 juillet 1971  » 

L’article 8 du Code de Déontologie médicale repris au niveau du Code de la Santé Publique (CSP : Article R.4127-8) : « Dans les limites fixées par la loi, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu’il estime les plus appropriées en la circonstance. Il doit, sans négliger son devoir d’assistance morale, limiter ses prescriptions et ses actes à ce qui est nécessaire à la qualité, à la sécurité et à l’efficacité des soins.

Il doit tenir compte des avantages, des inconvénients et des conséquences des différentes investigations et thérapeutiques possibles.  »

Les articles 32, 39 et 40 du Code de Déontologie médicale repris au niveau du Code de la Santé Publique (CSP : Article R.4127-32, 39, 40)

« Dès lors qu’il a accepté de répondre à une demande, le médecin s’engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s’il y a lieu, à l’aide de tiers compétents. »

« Les médecins ne peuvent proposer aux malades ou à leur entourage comme salutaire ou sans danger un remède ou un procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé. Toute pratique de charlatanisme est interdite. »

« Le médecin doit s’interdire, dans les investigations et interventions qu’il pratique comme dans les thérapeutiques qu’il prescrit, de faire courir au patient un risque injustifié. »


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