Médecine en crise : quels remèdes ? – C à dire ?!


Vous êtes médecin généraliste et président de la Fédération des médecins de France. Depuis le début de la semaine, vous facturez les consultations, non plus 23 euros, mais 25 euros. Cela veut dire que pour les 4 millions de Français qui n’ont pas de mutuelle, le reste à charge augmente. « De 0,68 euro la consultation. C’est relativement peu. Les deux euros d’augmentation, ce n’est pas ça qui va enrayer la chute de la démographie médicale et qui va combler les déserts médicaux. C’est ça, le vrai problème. 25 euros, c’est à rapporter à la moyenne européenne, qui est à 40 euros. On ne demande pas que notre rémunération augmente à 40 euros. On demande que cette somme soit mise à disposition des médecins pour un forfait structure, que les médecins aient les moyens d’exercer correctement avec du personnel, une garantie de prise en charge du patient, c’est-à-dire une garantie de coordination des soins pour sécuriser la prise en charge, avoir un personnel d’accueil et faire en sorte que les internes connaissent l’exercice médical et n’aient plus peur de s’installer ».

On reviendra sur la difficulté d’obtenir un rendez-vous chez le médecin. Les salles d’attente sont toujours pleines. 17 minutes pour une consultation en moyenne. Vous voyez 22 patients par jour. C’est de l’abattage. Si vous multipliez cela par 23 euros, le revenu moyen d’un médecin est de 6800 euros net par mois. « Pour 58 heures hebdomadaires ».

On se dit qu’un médecin vit bien. « Cette profession gagne très bien sa vie, par rapport à la moyenne française. Neuf médecins diplômés sur 100 s’installent en libéral la première année. 40 % des médecins s’installent au bout de 10 ans en libéral. Il y a une trentaine d’années. Pourquoi cette profession n’est-elle pas attractive ? ».

La préoccupation numéro un, aujourd’hui chez les patients ce n’est plus tant le prix de la médecine, mais son accès. Des chiffres dramatiques ont été publiés. Le délai d’attente a doublé chez les généralistes. Il faut attendre en moyenne une semaine pour obtenir un rendez-vous. « Ça dépend ».

Chez les spécialistes, les ophtalmos, quatre mois d’attente en moyenne. « Dans mon cabinet, si quelqu’un est malade, s’il a de la fièvre, mal au ventre, s’il saigne, on le prend dans la journée et même dans l’heure si c’est vraiment urgent ».

Tout le monde ne peut pas en dire autant dans la France entière. « C’est pour ça que je demande qu’on favorise la coordination des soins. On a une messagerie sécurisée qui nous permet de recevoir les résultats des laboratoires, de radiologie et de communiquer avec nos correspondants en temps réel ».

Le généraliste isolé, ça n’a pas d’avenir. Maintenant, ce sont les maisons de santé. C’est ce que veulent promouvoir Marine Le Pen et Emmanuel Macron. « La maison de santé pluridisciplinaire, c’est la tarte à la crème des candidats. Emmanuel Macron devrait réaliser que le vrai problème n’est pas de construire des murs, mais de mettre des médecins dedans. Il faut améliorer les conditions d’exercice, faire en sorte que les médecins travaillent correctement. Le médecin a un conjoint qui travaille. J’ai l’habitude d’aller dans les défilés. J’ai ma pancarte. Quand vous êtes dans un trou perdu où il n’y a plus de transport, d’école ou de Poste, et qu’on demande au médecin d’aller exercer tout seul, comment voulez-vous que cette personne aille y vivre avec son conjoint ? Il faut redonner de l’attractivité à la médecine libérale. Je pense aux gens de la Creuse. Quand je leur ai demandé pourquoi ils ne construisaient pas de maison de santé pluridisciplinaire, ils m’ont dit que les gens feraient plus de 40 km pour venir à la maison de santé, pour la consultation. Là-bas, ils ont partagé leurs fichiers, accueilli des internes. Ils se sont arrangés pour leurs vacances. Les internes découvrent une médecine de premier recours, qui est passionnante à exercer ».

Quand on est interne, on travaille déjà dans ce département. Finalement, on se dit qu’on y reste ? « Oui, mais il faut inciter fortement les internes à y aller. Il y a un exemple en Corse ».

Les internes veulent aller là où ça brille, dans les grandes villes. « Les internes ont choisi médecine. Ils savent que c’est un métier qui n’est pas toujours facile à exercer. Pendant les études, on constate pas mal de suicides d’internes. Si les gens suivaient l’exemple corse, qui a doublé le salaire des internes, qui les loge, paye leur transport, depuis, ils n’ont plus de problèmes d’internes. La Corse retrouve une installation de médecins qui grimpe de nouveau. Les internes peuvent découvrir une médecine de premier recours, très intéressante à exercer. Ils vont avoir des enfants qui vont grandir. Pendant ces 10 ans d’installation, ils vont créer les conditions du turn-over. Il y a une autre chose qui explique les déserts médicaux. On sait qu’il y a de moins en moins de médecins et qu’on fait venir des médecins de l’étranger. On voit même des internes qui ratent leurs études en France, qui font leurs études de médecine en Roumanie et qui reviennent ensuite en France. Il y a des petits scandales. L’équivalence fait qu’en Roumanie, on est moins bien formé qu’en France. C’est vrai ? Sans doute ».

C’est la question du numerus clausus. Ne faut-il pas l’augmenter ? « En France, les internes sont dans un amphi avec un prof et d’autres internes voient le cours sur un écran interposé. Il faut que les internes connaissent l’exercice libéral lors de leurs études. Il faut qu’ils fassent au moins générale et dans un cabinet de médecine spécialisée. Il faut faciliter la maîtrise de stage et que l’on encourage les médecins à accueillir les internes correctement et qu’ils soient correctement rémunérés pour le faire ».

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