Maternité : le calvaire des candidates à l’ASM

La protection maternité des femmes médecins libérales et l’alignement de cette protection sur celle des salariées sont un des combats syndicaux les plus emblématiques. Il est de fait qu’elle s’est notablement améliorée depuis 20 ans, et l’Avenant 3 sur l’Avantage Supplémentaire Maternité l’a encore théoriquement sécurisée un peu plus.

Rappelons qu’il s’agit d’une allocation de 3100 euros (bruts) mensuels pendant au maximum 3 mois pour un médecin secteur I ou secteur II OPTAM temps plein (soit 8 demi-journées ou plus par semaine), ramenés à 2066 euros pour un médecin secteur II, modulés également en fonction du temps de travail. Parce que lorsqu’une femme s’arrête pour accoucher et élever un bébé, il faut quand même continuer à payer les charges fixes du cabinet, ses charges sociales, et accessoirement faire vivre sa famille.

Mais tout n’est pas rose pour autant. La mise en place a été un peu (beaucoup) chaotique, en particulier pour les médecins secteur II affiliées au RSI avec lesquelles les CPAM et le RSI ont souvent joué au ping-pong, quand on ne leur a pas dit qu’elles n’y avaient pas droit, et il a fallu quelques fois monter au créneau en CPL (Commission Paritaire Locale) pour les défendre.

Et maintenant encore les délais sont incroyablement longs et les procédures très compliquées pour toucher Allocation Forfaitaire Maternité, Indemnités Journalières et Avantage Supplémentaire Maternité, alors que les factures continuent à tomber et que les reversions d’honoraires aux remplaçants tournent habituellement entre 70 et 80%.

Pour une salariée, il suffit d’envoyer la feuille de déclaration de grossesse pour que le régime maternité se mette en place automatiquement à partir du début du congé maternité.

Pour une libérale il faut 

  • la déclaration de grossesse
  • une déclaration sur l’honneur de cessation d’activité
  • un certificat d’un AUTRE médecin attestant de la cessation d’activité (pourquoi donc alors demander aussi une déclaration sur l’honneur ?)
  • une attestation de l’URSSAF indiquant que le médecin est bien à jour de ses cotisations.
  • et un mystérieux formulaire A38 qui ne figure nulle part sur le site d’AMELI

Pourtant un médecin qui s’arrête ça se voit facilement : elle n’envoie plus ni FSE, ni FSP … ah oui mais l’informatique ultra-performante des caisses ne sait pas toujours séparer l’activité des remplaçants de celle des médecins remplacés…

Et surtout bien (trop) souvent personne à la CPAM ne sait comment ça se passe et donc ne sait renseigner la malheureuse future mère. Pas même la DAM (Déléguée de l’Assurance Maladie) dont c’est pourtant le travail de faire le lien entre les médecins et les caisses.

Autre anomalie flagrante, la CNAM interprète à son avantage le texte. Ce qui est écrit dans l’avenant 3 c’est

En cas d’interruption de l’activité médicale pour cause de maternité, paternité ou adoption, l’aide financière complémentaire calculée, définie au présent article, est versée :

– pour le congé maternité à compter du mois suivant celui de l’arrêt de travail, pour la durée de l’interruption de l’activité médicale, dans la limite de la durée légale dudit congé et pour une durée maximale de trois mois ;

Ce qui veut juste dire qu’on commence à verser le mois suivant la date de l’arrêt ; à l’évidence pour les négociateurs le montant est proportionnel à la durée effective de l’arrêt.

Pour la CNAM ça se transforme en :

 Ce complément de rémunération est dû chaque mois civil pendant la durée légale du congé, dans la limite de trois mois.

Certaines CPAM comprennent qu’elles ne doivent indemniser que les mois civils intégralement inclus dans l’arrêt Maternité : par exemple pour une femme qui s’arrête du 5 mars au 25 juin, soit les 16 semaines maximales du congé maternité indemnisable pour un premier ou un deuxième enfant, le bon sens considère qu’on doit avoir droit à 3 mois d’indemnisation ASM ; pour certaines CPAM ne seraient indemnisables que les mois d’avril et mai, soit les seuls deux mois civils complets de l’arrêt ! ou au mieux seulement à partir du 1er avril ailleurs.

Exemples récents avec le témoignage de @DocBlouze qui dépend de la CPAM 13 :

Le numéro unique assuré n’est au courant de rien. Après un nombre incalculable d’appels ils m’ont réglé seulement mes IJ. J’avais droit selon l’interlocuteur à toujours une pièce manquante portant déjà envoyée en X exemplaires. La perle étant : « sur le certificat établi par le gyneco il manque votre N° secu » (pourtant joint avec un courrier stipulant ces informations). Au bout de X appels avec des interlocuteurs ne connaissant rien au sujet et surtout totalement indifférents à ma demande je tombe enfin sur quelqu’un qui me dit que l’allocation supplémentaire maternité relève du service relation professions Santé. Soit ; j’appelle jour après jour : « oui oui on a fait un mail on vous rappelle dans la journée » (mais dix jours après j’attends toujours). Aujourd’hui on me dit qu’il manque l’attestation sur l’honneur de cessation activité libérale à mon dossier. Je ne l’ai envoyée QUE 3 fois ! Oui mais à la branche des assurés, pas à celles des PAMC.
Donc à l’ère de l’informatique la CPAM 13 est incapable de transmettre une pièce scannée d’un service à un autre.
Oui oui vous ne rêvez pas.
Ce qu’omet soigneusement de me transmettre l’employée c’est la nécessité de remplir un formulaire… histoire de retarder encore… formulaire que je finis par obtenir par une consœur merci les réseaux sociaux sans qui rien ne serait possible.

Donc en résumé c’est digne des 12 travaux d’Asterix avec le formulaire laissez passer A38 pour obtenir une aide conventionnelle qu’on nous fait miroiter

Alors juste ça fait 4 mois que j’ai pas un rond que je m’emmerde à appeler semaine apres semaine et qu’on me mène en bateau.

Et celui de @BulleDoc qui relève de la CPAM 95 :

Je crois que je ne parle pas la même langue que la CPAM. Donc j’ai enfin pu avoir la responsable du service des fichiers du praticien. Attention c’est du lourd : mon congé maternité a débuté le 15/12/18 et se finit le 16/03/19 . La CPAM m indique que la période indemnisable c’est uniquement du 1/01/19 au 16/03/19 . Donc j’aurais 2 mois plein et le mois de mars proratisé. Mes 15 jours de décembre ne rentre pas dans le décompte. Explication de la CPAM : « les indemnités demarrent le premier jour du mois civil suivant… » . 
Et j’ai en plus le droit à un  » estimez vous heureuse d’avoir ça deja c’est une grande avancée… »

La simplification administrative a encore de beaux jours devant elle, ainsi que l’amélioration des relations entre les caisses et les PAMC.

Si vous voulez aussi témoigner, suivez ce lien.

Que propose donc la FMF ?

  • la nomination dans chaque CPAM d’un.e (ou plusieurs suivant la taille) référent.e(s) clairement identifié.e(s)
  • dès réception de la déclaration de grossesse, envoi d’un courrier au médecin avec :
    • le nom et les coordonnées du ou de la référent.e
    • la liste claire des pièces à fournir
  • la suppression de la nécessité du certificat médical d’arrêt, vexatoire, l’attestation sur l’honneur suffisant
  • un suivi clair de l’état d’avancement du dossier
  • le paiement intégral évidemment de toutes les prestations dues, calculées à partir du premier jour d’arrêt d’activité, même si pour des raisons pratiques le paiement est (un peu) décalé.

Par ailleurs l’informatique des CPAM devrait être en mesure de constater l’arrêt de l’activité d’un médecin sur plusieurs mois !