Lettre d’espoir aux futurs et nouveaux diplômés en médecine générale

Chers futurs confrères,

J’exerce un métier formidable, basé sur la relation humaine au long cours et la confiance dont m’honorent mes patients.
Dans cette relation qui se tisse au fil du temps, la confiance se gagne, et c’est petit à petit qu’on apprend à connaître jusqu’à l’intimité du patient. C’est parfois après des années que le patient livre, grâce à cette confiance acquise, la pièce manquante du puzzle qui nous permet la compréhension de certaines situations dont des éléments nous échappaient.
Depuis 22 ans je fais de la médecine de premier recours et de suivi, parfois d’urgence.
Je suis généraliste non par échec mais par choix, choix de cette profession unique si enrichissante sur le plan humain.

La relève des premiers bataillons du papyboom des généralistes n’arrive pas.

Les conditions d’exercice vous rebutent, l’amplitude horaire du temps de travail vous inquiète ?
Le temps de travail vous semble mal rémunéré ?

C’est parce que j’aime ce métier, c’est parce que je considère que la disparition de la médecine à composante humaine, menacée par la « médecine industrielle » comme on lit maintenant, sera une catastrophe financière pour la société et un gâchis individuel humain avec cette future relation déshumanisée par l’absence de suivi dans la durée que je m’inquiète.

Je comprends vos réticences. Vous avez raison.
Dans mon exercice je touche les limites de la faisabilité des nombreuses missions qui sont les miennes : prévention, soins, administratif, coordination…

Une des raisons est clairement financière.
Compte tenu des honoraires faibles pour une charge de travail qui augmente sans cesse, nous devons choisir : améliorer nos conditions de travail ou avoir un revenu correct.
La qualité de l’exercice ou le revenu.
Evidemment que vous n’êtes pas tentés de nous rejoindre.
Occupés au soin nous avons laissé faire, laissé se dégrader nos conditions d’exercice.
Mais ce n’est plus acceptable.
Et je ne l’accepte plus.

Ne rien faire, ne rien dire, m’adapter et laisser aller jusqu’au temps de ma future retraite serait facile, j’ai du travail et j’en aurai pour les 15 ans à venir.
Je ne me fais pas de souci pour moi.

Mais je me fais du souci pour mes patients, pour ma famille. Qui les soignera demain ?

La société évolue, le temps de travail individuel se réduit.
On ne luttera pas contre ce fait.
Alors il faut l’accompagner et se réorganiser, mais en pérennisant la notion de suivi.

C’est pourquoi, comme de plus en plus de confrères, je participe au mouvement de ce qu’il faut appeler une révolte, avec des revendications fortes, pour redonner l’attractivité matérielle à ce métier indispensable. De bonnes conditions matérielles de travail pour concentrer notre activité sur la médecine en déléguant la charge administrative, un revenu correspondant à la responsabilité et au travail fourni avec la possibilité de prendre du temps pour les patients et pour soi, voilà ce qu’il faut obtenir. Pour nous installés, sous pression permanente. Et pour les jeunes générations de médecins qui, sans se démarquer du mode de fonctionnement de la société, avec des amplitudes horaires choisies et sans doute moindres que celles des plus anciens, pour que ces jeunes générations s’installent et s’impliquent dans la continuité de notre mode d’exercice.

Cette révolution passe par une remise à niveau rapide des revenus des médecins français, et par une remise à plat du système de santé.

Les revendications de base sont simples :

 application immédiate du CS avec les majorations qui l’accompagnent pour les médecins spécialistes en médecine générale pour une remise à niveau provisoire car c’est la juste reconnaissance de notre qualité de médecins spécialistes du premier recours et du suivi. Une loi, un décret d’application, les politiques peuvent faire vite s’ils le veulent bien.
 abrogation des mesures vexatoires.
 remise à plat du système de santé, avec un calendrier de discussions et une échéance rapide, pour obtenir une rémunération à la hauteur des standards européens, tant en terme de moyens de travail que de revenus des professionnels de santé.


Ne pas aller au bout de ce projet c’est accepter la médecine industrielle de première recours, qui deviendra le traitement du symptôme et non de la cause. Les médecins seront un deuxième recours une fois les techniciens de premier recours (ce niveau de compétence suffira) dépassés par la récidive et l’évolution des pathologies qui n’auront pas été diagnostiquées à temps.

Nous n’obtiendrons que ce que nous irons chercher.

Chers futurs confrères votre participation à cette révolte est indispensable pour obtenir ces conditions d’exercice dignes, alors participez activement et syndiquez-vous !

Docteur Olivier PETIT
69210 SAIN BEL
Union Généraliste FMF