Le Ministère de la Santé invente les ordonnances à l’encre sympathique !

L’article 58 de la LFSS* 2018 prévoit que : 

 La prise en charge par l’assurance maladie d’un produit de santé et de ses prestations éventuellement associées peut être subordonnée au renseignement sur l’ordonnance par le professionnel de santé d’éléments relatifs aux circonstances et aux indications de la prescription, lorsque ce produit et, le cas échéant, ses prestations associées présentent un intérêt particulier pour la santé publique, un impact financier pour les dépenses d’assurance maladie ou un risque de mésusage.
Ces éléments ainsi que tout autre élément requis sur l’ordonnance sont transmis au service du contrôle médical par le prescripteur, le pharmacien ou, le cas échéant, par un autre professionnel de santé dans des conditions fixées par voie réglementaire.
Le non-respect de ces obligations peut donner lieu au constat d’un indu correspondant aux sommes prises en charge par l’assurance maladie, qui est recouvré selon la procédure prévue à l’article L. 133-4.

C’est tout simplement l’ancien article 40 du PLFSS** renuméroté 58 dans la version définitive de la LFSS. La FMF s’était déjà élevée contre le risque de rupture du secret médical induit par cette mesure.

Le Ministère nous a écouté, et donc soumet aux syndicats un projet de décret sensé pallier cet écueil (en téléchargement intégral à la fin de l’article).

Le moins qu’on puisse dire est que le Ministère ne vit pas dans le même monde que nous. Voici ses propositions :

 Art. R. 161-48-1. – Lorsque l’ordonnance comporte les informations mentionnées au 6° du I de l’article R. 161-45, les modalités de transmission sont les suivantes :

  • 1° si la transmission est réalisée par voie électronique, seul le service du contrôle médical reçoit la totalité des informations mentionnées aux 1° à 6° du I de l’article R. 165-45, la caisse ne recevant que les informations prévues aux 1° à 5° dudit I ;
  • 2° si l’ordonnance est réalisée sur un support papier, seul le service du contrôle médical reçoit la totalité des informations mentionnées aux 1° à 6° du I de l’article R 165-45 ; à cet effet les informations prévues au 6° dudit I sont portées sur l’ordonnance selon des modalités permettant d’occulter ces mentions dans la transmission faite à la caisse pour la prise en charge des prestations.

Le paragraphe sur la transmission électronique n’est ni plus ni moins qu’une utopie, puisque cette modalité n’existe pas pour l’instant ; de plus, les pistes actuelles de l’ordonnance électronique passent encore par l’apposition d’un QRcode sur les ordonnances, ce qui n’est pas pratique déjà pour prescrire, mais rend les choses quasi-impossibles pour rajouter des mentions …

Quant aux ordonnances papier … nous avons déjà l’obligation de stocker des ordonnances dupliquées (obligation pourtant inutile puisque les pharmaciens scannent les ordonnances et jettent les duplicatas), des ordonnances sécurisées, des ordonnances ALD, des ordonnances ALD sécurisées. Il faudrait maintenant doubler tout ceci par des ordonnances avec possibilité de duplicata sur lequel certaines mentions ne seraient pas reportées. Le décret ne mentionne d’ailleurs pas les moyens techniques utilisables. Probablement l’encre sympathique ? Ou le code secret décryptable uniquement par le service médical ? Ou les ordonnances dupliquées sans carbone sur une partie de la feuille ? Tout ça évidemment à nos frais, puisque ces ordonnances spéciales, il faudra bien que quelqu’un les paye. 

Et évidemment l’article 58 prévoit expressément la possibilité de récupération d’indus auprès du médecin en cas de prescription non conforme. Ce qui laisse augurer de nouvelles possibilités de procédures. 


* LFSS : Loi de Finance de la Sécurité Sociale

** PFLSS : Projet de Loi de Finance de la Sécurité Sociale