Analyse du projet de Convention Médicale 2016

Le 21 août 2016 la FMF appelle ses adhérents à se prononcer sur l’opportunité de signer le projet de Convention Médicale tel qu’il ressort des ultimes séances de négociations.

Disons-le d’emblée, ce texte ne correspond pas aux attentes des médecins tant en termes de rémunération qu’en termes de liberté et d’indépendance d’exercice.
Il faut cependant saluer le très important travail fourni par nos négociatrices et négociateurs pour obtenir des améliorations notables. Si nous sommes encore loin de la moyenne européenne des rémunérations et des possibilités d’emploi de collaborateurs salariés, il existe tout de même des avancées significatives qui font que la question de la signature se pose.

Il est cependant difficile de s’y retrouver dans un texte de 134 pages + 140 pages d’annexes pleines de sigles abscons (que j’éviterai au maximum) . Voici une analyse résumée, mais quand même assez longue.
Si mon verbiage ne vous intéresse pas, foncez au post-scriptum, vous y trouverez une calculette vous permettant d’évaluer (en année pleine, car la mise en place sera progressive jusqu’au 01/01/2018 !) votre gain potentiel.

Mesures d’aides pour les médecins en zone démographiquement fragiles

Elles se déclinent en quatre volets :

  1. Aide à l’installation : 50000 € en deux versements
  2. Aide aux médecins de plus de 60 ans qui aident un successeur : 10% du montant de l’activité conventionnée en honoraires opposables, limitée à 20000 €/an, pendant 3 ans
  3. Aide aux médecins déjà installés : 5000 € par an pendant 3 ans
  4. Aide aux médecins allant faire des vacations dans un territoire fragile : 10 % du montant de l’activité conventionnée en honoraires opposables.

A quelles conditions ?

Ça ne concerne évidemment que l’activité médicale en zone démographiquement fragile, elles sont interdites aux médecins secteur II non adhérents à une des 2 options remplaçant le CAS (sauf la 2), et nécessitent pour la 1 et la 3 d’exercer en groupe ou au moins à un pôle de santé et de participer à la PDSA.

Il y a aussi du saupoudrage de quelques euros pour l’accueil d’un externe ou d’un interne, ou faire des vacations dans un hôpital local (car évidemment dans le désert médical, on a le temps …)

Limites

Ce sont évidemment de bonnes mesures, mais …
On a déshabillé Paul pour habiller Pierre : l’option démographie qui existait dans l’ancienne convention et est remplacée par l’aide n°3 était de 5000 € par an + 10% de l’activité conventionnée dans la limite de 20000 € par an. Les médecins déjà installés y perdent donc nettement pour favoriser l’installation des jeunes.
L’incitation à aller aider les confrères en zone fragile est assez symbolique : 10% de 30 CS pendant 10 jours ça représente … 30 CS, donc des clopinettes.
Ces aides sont interdites aux médecins secteurs II … c’est injuste dans le principe mais on voit mal un médecin secteur II s’installer, en exercice regroupé, dans un désert médical.

Les revalorisations d’honoraires

C’est évidemment le point le plus intéressant. Pas assez pour les syndicats, trop pour la CNAMTS, qu’en est-il ?

Le médecin traitant de l’enfant

Le rôle du médecin traitant est étendu aux moins de 16 ans, permis aux médecins secteur II, ce qui se manifeste évidemment par un impact sur les patientèles et les forfaits médecin traitant. Bien sûr, ce sont surtout les généralistes et les pédiatres qui seront impactés par cette mesure, mais aussi les médecins correspondants qui pourront donc coter les majorations de coordination pour les moins de 16 ans.
Mais la CNAMTS est radine et la patientèle concernée par la ROSP ne sera comme par le passé que celle des plus de 16 ans.

Les forfaits médecins traitant

Ils sont nettement revalorisés, puisqu’ils représenteront désormais annuellement 6€ par enfant de moins de 16 ans, 5 € par adulte de moins de 80 ans hors ALD, 42 € par patient de moins de 80 ans en ALD et par patient de plus de 80 ans hors ALD, et 70 € par patient de plus de 80 ans en ALD.
Le forfait médecin traitant est majoré pour les praticiens ayant plus de 7% de CMUc dans leur patientèle.

Oui mais … les médecins secteurs II n’ont pas droit au Forfait Médecin Traitant et la MPA disparaît pour les médecins traitants ; elle persiste toutefois (pour tous) quand vous voyez un patient de plus de 80 ans dont vous n’êtes pas le MT. Donc si vous voyez vos vieux patients plus de 8 fois par ans hors ALD ou plus de 6 fois quand ils sont en ALD, vous y perdez…
Et nulle mention d’une quelconque revalorisation des forfaits en fonction de l’inflation, ils sont figés pour les 5 ans à venir.

Les revalorisations d’actes

La C/CS passe à 25 € ? oui et non … elle reste à 23€, ce qui n’est pas neutre par exemple pour la rémunération des protocoles Sophia rémunérés 1 C ou les PES d’ALD non exonérantes rémunérés C1,5.
Mais il est créé une Majoration Médecin Généraliste (MMG) à 2 € qui « sera intégrée de façon automatique et transparente » et porte donc le montant payé à 25 €
Pour les médecins consultants, les majorations de coordination sont également augmentées de 2 €.
Il n’est cependant pas spécifiquement écrit que la MMG s’appliquera également à la V/VS et à la CA. Il faudra veiller à ce que ce point soit précisé.

La conséquence est donc mécaniquement une augmentation de 2€ pour tous les actes de consultation, à la fois pour les généralistes et les spécialistes ; les majorations de coordination sont cependant interdites là encore aux médecins secteur II (sauf quand ils pratiquent les tarifs opposables pour les patients en CMU ou ACS).

L’avis ponctuel de consultant (C2) passe en deux temps à 48 puis 50€, 60 puis 62,50€ pour les neurologues et psychiatres, mais reste à 69€ pour le C3 des PUPH.

Les consultations des enfants de moins de 6 ans sont uniformément majorées de 5 € pour les généralistes de tous secteurs d’activité, et pour les pédiatres de secteurs I ou II adhérents à l’OPTAM, uniquement pour les enfant de moins de 2 ans pour les pédiatres secteur II.
Pour les pédiatres de secteurs I ou II adhérents à l’OPTAM, une majoration supplémentaire de 4€ est créée pour les enfants de moins de 6 ans.
Mais comme ce n’est pas cumulable avec MCS ni MPC, le gain n’est que marginal.

Les majorations de coordination sont désormais applicables aux moins de 16 ans , et également pour les médecins en accès direct, dès lors qu’ils font un retour d’information vers le médecin traitant.
Rien n’interdit donc à un généraliste de l’appliquer quand il voit un enfant suivi par un pédiatre, à charge pour lui de faire un courrier au pédiatre.

La majoration de coordination généraliste est également applicable chez les patients éloignés de leur domicile et de leur MT, ce qui est particulièrement intéressant pour les médecins installés dans une région touristique. Espérons toutefois que la CNAMTS ne nous fera pas d’entourloupe comme lors de la dernière convention !

Mais comme je l’ai déjà indiqué, les majorations de coordination sont interdites encore aux médecins secteur II (sauf quand ils pratiquent les tarifs opposables pour les patients en CMU ou ACS).

Les majorations d’urgence

Le médecin traitant (secteur I ou secteur II OPTAM) qui reçoit à la demande du 15 ou du 116117 un de ses patients dans la journée peut majorer sa consultation d’un montant de 15 €

Le médecin traitant qui oriente un de ses patients vers un médecin correspondant qui accepte de le recevoir en moins de 48 heures peut majorer sa consultation de 5 €, et le médecin correspondant de 15 €, quels que soient leurs secteurs d’activité.

Rien n’interdit d’associer ces majorations d’urgence avec le C2 ou les consultations complexes.

Les consultations complexes

Il est créé un certain nombre de consultations complexes et très complexes, qui s’ajoutent à la consultation de dépistage du mélanome par le dermatologue, et une revalorisation de certaines consultations complexes déjà listées dans la NGAP, dont je vous laisse consulter la liste limitative dans les articles 28.3 et 28.4 de la convention.
Ces consultations sont valorisées 46 ou 60€
Dans ce cadre également la VL est portée à 60€ pour les patients atteints de pathologie neurodégénérative, 3 fois par an (laquelle s’ajoute la MD à 10€) et les consultations obligatoires des 8ème jour, 9ème et 24ème mois sont portées à 46 €.
Ces consultations complexes et très complexes sont réservées aux médecins secteur I ou secteur II OPTAM.
Et un gros problème se pose, celui du secret professionnel mis à mal par les codes spécifiques des majorations associées à chacune de ces consultations complexes. Autant publier directement le diagnostic !! A revoir impérativement donc avant la mise en œuvre.

Le forfait structure

Ce n’est pas ce que la FMF demandait, c’est clairement insuffisant pour embaucher, c’est surtout fait pour simplifier la vie des caisses, c’est difficilement lisible et ce n’est jamais que le recyclage de l’ancien volet organisationnel de la ROSP, mais c’est tout de même une ébauche de forfait structure.
Et c’est totalement découplé de la ROSP : vous pouvez refuser la ROSP et bénéficier du forfait structure.
Au maximum 1750€ en 2017, 3220€ en 2018, 4620€ en 2019, il reste des interrogations sur certaines modalités pratiques : codage des dossiers, participation à une équipe de soins primaires, services offerts aux patients. Ce sera discuté en CPN.
Mais bien sûr il faudra (beaucoup) télétransmettre, avec la dernière version de SesamVitale, et utiliser une messagerie sécurisée et un logiciel certifié HAS : tous ces points sont des prérequis cumulatifs.
Et une partie croissante du forfait structure est représentée par une utilisation croissante des téléservices. C’en est fini de la symbolique déclaration MT annuelle suffisante dans l’ancienne mouture.

La ROSP

La ROSP nouvelle, on l’aime ou on la quitte. Mais rapidement et définitivement ! Comme l’ancienne ROSP vous n’avez que 3 mois pour la refuser par LRAR après la parution au JO de la convention, après c’est fini, vous l’avez acceptée.
Par contre si vous la refusez, il n’y a plus de possibilité de retour en arrière : vous l’avez refusée pour toute la durée de la convention.
Alors réfléchissez bien …

Le contenu

La ROSP nouvelle ne s’applique toujours qu’aux patients de plus de 16 ans. Les items sont plus nombreux, plus d’items sont à l’évidence déclaratifs, donc qui nécessiteront des dossiers très bien tenus et plus de travail de la part des médecins pour les retrouver. Les items atteints en majorité de la dernière ROSP sont supprimés et les objectifs ont été nettement durcis. Certains sont très difficilement chiffrables : « part des tabagiques ou alcooliques ayant fait l’objet d’une intervention brève enregistrée dans le dossier ».
On peut s’attendre je pense à des contrôles au hasard ou ciblés de tous ces items déclaratifs, pour dissuader les consœurs et confrères de les mettre tous au maximum.

Seuls les généralistes, les cardiologues et les gastro-entérologues auront droit à une ROSP, les autres n’auront qu’à se serrer la ceinture.

Petite curiosité : les objectifs de génériques pour les anti-HTA et les hypocholestérolémiants ne sont pas les mêmes pour les cardiologues et les généralistes !
Et certains indicateurs d’efficience ne sont pas encore définis à ce jour.

Les montants

La ROSP 2017 sera au maximum de 1000 points à 7€ pour les généralistes, 340 pour les cardiologues et 300 pour les gastro-entérologues, et sera modulée en fonction de la patientèle.
Si on rajoute le forfait structure, on se rend compte que c’est en BAISSE par rapport à la mouture précédente qui pouvait atteindre 1300 points, soit 9100€ pour 800 patients MT, et la valeur du point n’évolue pas : c’est donc aussi une baisse du simple fait de l’inflation.

L’OPTAM et l’OPTAM-CO

C’est tout bêtement le CAS new-look pour les secteurs II, la seconde étant la version Chirurgiens et Obstétriciens.
La FMF avait refusé de signer l’Avenant 8 mettant la CAS en place, là il ne va pas être possible de signer la Convention et de refuser l’OPTAM …
La différence principale est que ce n’est plus du « tout ou rien » en cas de dérapage modéré par rapport aux objectifs théoriques, mais que la CPAM verse quand même une partie de l’aide jusqu’à 5% d’écart.

Dispositions diverses

Le tiers payant

Sans surprise, en application de la loi santé, le tiers payant est mis en avant et valorisé par cette Convention.
Les trois points notables pour les médecins sont :
 1- le paiement est garanti sur la foi des informations de la carte vitale du patient, même si elle n’est pas à jour.
 2- les rejets liés au droits des patients ou au parcours de soins sont supprimés
 3- les délais de paiement sont garantis (5 jours ouvrés en FSE) et leur non respect ouvre droit au paiement d’une compensation au médecin.

AM, CAF & ASV pour les médecins secteur I

Pas de changement majeur, on a préservé le statu quo, la participation des caisses à l’ASV reste des 2/3, le reste à charge AM est de 0,1% et les caisses payent 100% de la cotisation CAF en-dessous de 110% du plafond annuel de SS, puis de façon dégressive jusqu’à 65% pour les revenus supérieurs à 140% du plafond de la SS.

Déconventionnement

On a là un changement MAJEUR : les médecins peuvent maintenant se déconventionner puis se reconventionner, dans le même secteur.
La menace de déconventionnement ou le déconventionnement massif par bassin de vie redeviennent des options crédibles pour faire pression sur les caisses, le gouvernement ou l’opinion public.
Il n’est pas précisé, donc c’est autorisé : c’est éventuellement le seul moyen de souscrire à la ROSP si on l’a refusée initialement, puisque tout médecin nouvellement conventionné adhère d’office à la ROSP.

Commissions Paritaires Conventionnelles

C’est là toujours le même scandale : seules peuvent participer à la vie conventionnelle les organisations syndicales signataires de la convention.
La FMF peut se passer des fonds conventionnels.
Mais les adhérents de la FMF peuvent-ils se passer de notre présence dans les CPL, CPR, CPN, commissions de pénalités, commissions de travail sur les modalités pratiques d’applications de la convention qui restent à écrire, etc… ?
Si nous ne signons pas, nous serons absents de la vie conventionnelle et inaudibles.
Si nous signons après le 2/10/2016, nous perdrons une petite partie des fonds conventionnels, mais surtout une partie des places dans les commissions, et nous ne serons pas présents pour le début des travaux de ces commissions.
Or il reste des points flous voire inacceptables dans cette convention. Pouvons-nous laisser les choses se faire sans nous ? Est-ce défendre nos adhérents et sympathisants après les bons résultats des élections URPS ?

Alors, signature ou pas signature ?

Nous sommes un syndicat démocratique, un adhérent = une voix.
L’ordre du jour unique de l’AGE du 21/08/2016 est : faut-il signer ? et si oui, quand faut-il signer ?
Nous avons 3 semaines pour y réfléchir et prendre une décision. Ce ne sera pas la décision du bureau ni du CA, mais bien celle de tous les adhérents de la FMF.

Utilisez notre calculatrice (simpliste volontairement et forcément fausse), complétez les cases qui vous correspondent à l’aide de votre SNIR 2016 et de votre logiciel patient, et vous verrez quel est votre gain ou perte probable avec la Convention 2016.
Attention ça ne renvoie pas votre CA de l’an prochain, mais la différence avec votre CA actuel !

La ROSP n’y est volontairement pas incluse, car impossible à évaluer à l’heure actuelle.